CHANTALPETIT
NEUF DE VINGT-QUATRE HEURES
Du 30 janvier au 23 février 2024
Commissariat d'exposition : Juliette Laffon
Vernissage le 30 janvier 2024
Sorbonne Artgallery a le plaisir de vous présenter l'exposition intitulée « neuf de vingt-quatre heures » de CHANTALPETIT, du 30 janvier au 23 février 2024. Un catalogue sera spécialement publié par les éditions de la Sorbonne, avec des textes de Colin Lemoine, Juliette Laffon et Yann Toma.
Se tenir dans un espace, observer le mouvement du soleil, ombres et rais, incidences et accidents, puis peindre cela. Cela : le vertige optique que suscite la lumière quand elle fait effraction dans un lieu, aussi commun soit-il, et sur la pupille, aussi singulière soit-elle. Goya et Van Gogh auront essayé de voir cela, ce soleil en face, ce flamboiement qui est parfois une hallucination. Au mitan des années 1980, chantalpetit s’essaie à l’exercice. Elle peint de la lumière dans un espace dont j’ignore ce qu’il est – chambre d’Arles ou quinta del sordo – mais dont mes yeux m’enseignent qu’il est clos, et que je suis enfermé dans une boîte dont la sixième cloison est dans mon dos. Je suis donc enfermé face à un ruissellement, face à la lumière du jour à une certaine heure, une heure qui donne son nom aux tableaux. (...)
On aurait pu s’en tenir là, à cette peinture diluvienne contenue dans une boîte de Pandore. On revient rarement dans la même chambre, sauf l’oreille coupée, ou dans la maison du sourd, sinon aveuglé. Sauf que chantalpetit, elle, a tenté l’expérience. Elle est revenue dans la boîte, dans la chambre nue, dans la camera obscura, elle a pris ses pinceaux mais aussi, car le temps a passé et que la palette s’est enrichie, des paillettes et des perles, du pastel et de l’acrylique, tout le bazar du monde – or et nuit. Rien ne la jugule pourvu qu’advienne la poésie. Elle se fout de la pureté. Elle veut voir, et dire. Ce n’est pas de la peinture, mais du dessin, dit-on. Mais qui croit encore à cette vieille typologie pensée pour les cartels de la pensée ? Je sais seulement que ce n’est plus de la toile, mais du papier Figueras, velouté comme la soie, solide et tendre comme une peau. C’est de l’encre. Ce sont des lettres aussi, qu’elle piège dans la matière. C’est de l’écriture, donc. Grâce à chantalpetit, je vois combien la peinture n’est pas une poésie muette mais une prose spasmée, un haïku. Un coup de dés, un coup de fouet, un coup de poing. Un coup de main pour que mon oeil voie enfin. (...)
Colin Lemoine
À l’automne 2010, je découvrais avec stupeur les « paysages » de chantalpetit, grandes toiles à l’échelle du vaste atelier qu’elle occupait alors à Ivry. Je venais de rejoindre l’équipe de Marseille-Provence 2013 Capitale européenne de la Culture.
J’étais chargée de l’exposition qui allait lui être consacrée à la Ciotat à l’été 2013. Depuis cette première rencontre, je lui rends visite régulièrement à Malakoff et suis avec un intérêt qui ne s’émousse pas, le développement d’une oeuvre prolifique, exigeante, qui ne cesse de se renouveler. À l’écoute complice de ses recherches, attentive à sa pratique polymorphe qui se plaît à s’aventurer dans de nouveaux champs d’expérimentations et mondes imaginaires, j’ai le privilège d’être au fait de ses dernières créations. Animée d’une énergie débordante, chantalpetit a toujours une oeuvre en cours. Peindre, sculpter, réaliser une vidéo, produire de nouvelles pièces est pour elle un impératif. En vacances, loin de l’atelier, ses carnets prennent la relève.
Invitée par Yann Toma à exposer à Sorbonne Artgallery, ce n’est qu’une fois finalisée la monographie qui l’avait totalement accaparée durant plusieurs mois, qu’elle retrouve au printemps le chemin de l’atelier et se met au travail en vue de l’exposition.
Sorbonne Artgallery se déploie dans la galerie Soufflot du Centre Panthéon Sorbonne, vaste lieu de passage traversé par les étudiants et les professeurs.
Elle présente une succession de neuf vitrines murales peu profondes, avec un cadre en métal dont les verres ont été enlevés et dans lesquelles les oeuvres sont habituellement présentées. chantalpetit réalise tout d’abord, sans études préparatoires, quatre dessins qui, à mesure des ajouts, deviennent de grandes bannières en papier dont les dimensions excèdent celles des vitrines. Ce choix témoigne de sa réticence à entrer dans les cases, de sa propension à bousculer les règles, de son inclination pour les chemins de traverse. (...)
Juliette Laffon
Chantalpetit est née à Agadir en 1951. Elle passe son enfance entre le Maroc et la France. De 1970 à 1972, elle étudie aux Arts Décoratifs, ainsi qu’aux Beaux-Arts de Paris. Entre 1973 et 1979, elle se consacre au théâtre, tout en poursuivant une oeuvre graphique. Elle collabore en tant qu’illustratrice avec différentes revues et maisons d’édition (Gallimard, D’au éditeur, les nouvelles littéraires, Elle, Le fou parle, etc.). Durant ces années, elle est membre du groupe GEL (groupe d’expression libre), compagnie de théâtre expérimentale et crée par ailleurs plusieurs scénographies, notamment pour Roger Blin. Elle rencontre à la même époque Roman Cieslewicz, Roland Topor et les membres du groupe panique qui l’invitent à participer à l’exposition Panique Universelle, à la maison de la culture de Rennes en 1980. Elle commence alors à peindre et abandonne le théâtre. De 1987 à 2019, elle enseigne à l’école d’arts graphiques Penninghen. À partir des années 2000, elle intègre la sculpture, la vidéo et la performance à sa pratique.
Son travail est présenté régulièrement en France et à l’étranger, notamment à la galerie Jean Briance (1984, 1988) à la galerie Jacques Elbaz (1995), à la Maison Rouge (2004, 2010, 2011, 2014, 2016), à la Manufacture des Gobelins (2011), à Marseille-Provence 2013 (2013), au Frac Picardie (2013, 2016, 2018), au Bonnefantenmuseum de Maastricht (2015), au Musée d’Art Moderne de Saint-
Lô (2018), au Centrum Kultury Zamek de Poznan (2019), au Musée de Grenoble (2019) et fait partie de nombreuses collections publiques et privées (Fnac, Frac Picardie, Frac Île-de-France, Musée National d’Art Moderne, Ministère des Affaires Étrangères, Musée d’Art Moderne de Stockholm, collection agnès b., collection Antoine de Galbert, etc.). Elle vient de publier sa première monographie chantalpetit – 19702023 aux Éditions Dilecta.