Iain Baxter&
(&Man)
Du 3 Octobre au 4 Novembre 2017
Vernissage le 2 Octobre à 18h
En présence de l'artiste. Entrée libre.
Table-ronde le lundi 2 octobre à 16h,
au Centre Panthéon-Sorbonne, en présence de Christophe Domino.
POWER OF &
Iain Baxter& (ou &MAN) est une des figures tutélaires de la mouvance artistique des "entreprises critiques". Elles surgissent au quatre coins du globe depuis les années 60, en tant que "sociétés" ou "firmes" et sont portées par des artistes entrepreneurs. Si leur champ esthétique est souvent proche de celui de l'entreprise, c'est bien le champ politique que les "entreprises critiques" investissent jour après jour, à travers une réflexion et une production inattendue. L'exposition de Iain Baxter& à la Sorbonne Artgallery est ainsi un temps fort de notre programmation d'artistes internationaux qui questionnent les liens entre l'art et la société.
L’histoire de Iain Baxter& se déroule en parallèle à celle de l’entreprise contemporaine, qui démarre pendant le boom économique des années 60, période d’épanouissement de l’entreprise américaine et de son expansion géographique et médiatique. Baxter& explique :
« Un artiste dans cet environnement de marché dépend finalement de la charité de ceux qui, pour l’une ou l’autre des raisons psychosociales, souhaitent « soutenir » les arts (il faudrait y ajouter la motivation économique depuis que l’art fait l’objet d’une spéculation sauvage). Il est essentiel de libérer les artistes de ces contraintes et de s’appuyer sur les connaissances culturelles qu’ils possèdent pour mieux se fondre dans les mondes des affaires, de la politique et de l’éducation ».
Créer une structure artistique calquée sur le modèle de l’entreprise contemporaine apparaît alors comme une solution adaptée. En faisant de l’art une entreprise, l’artiste acquiert le statut d’entrepreneur et s’accorde les mêmes prérogatives que celles de son homologue dans le monde économique, gagnant ainsi une marge d’action importante.
Dès 1966, Iain Baxter& met en place la N.E. Thing Company, entreprise et oeuvre à la fois. En 1969, le British Columbia Gazette, journal de notices officiel de Vancouver, incorpore la société dans ses registres, acte juridique qui inscrit littéralement le geste artistique dans le monde des affaires, et parallèlement, introduit le monde des affaires dans l’histoire de l’art. « Produire de l’information sensible » est le premier statut et l’objectif central de cette société pionnière, déterminée à effacer l’écart traditionnellement infranchissable entre l’esthétique et l’économique. Son activité se développera pendant une dizaine d’années, affirmant le terrain où surgiront par la suite des structures à la forme et à l’ambition similaire. Fournisseur d’informations sensibles de toute sorte, la N.E. Thing Company organisera également des expériences destinées à la générer : une expédition sur le cercle polaire, des services de consultation d’entreprise, ainsi que le lancement de ses succursales, le N.E. Photo Lab (laboratoire photographique) et le restaurant Eye Scream.
Infiltrer le monde des entreprises exige la construction d’un dispositif qui soit non seulement crédible, mais aussi opératoire. La création de la compagnie établit le passage à l’acte, il faut par la suite la faire vivre. Tout ce qu’il y a prendre ou à apprendre du monde des affaires sera ainsi adapté au contexte (artistique) de son implantation : logo, papeterie officielle, tampons, slogans, affiches, badges, etc., l’art revendique son droit à être partout. « Art is all over », insiste Baxter&. L’année de son enregistrement officiel, la firme installe dans la National Gallery of Canada à Ottawa, un « corporate environnement » à se méprendre : des bureaux, des secrétaires affairées, le bureau du président et autres attirails du monde du travail composaient la structure, réalisant une transposition déroutante aussi bien pour l’oeil que pour l’esprit. Entrer dans cet espace c’était s’aventurer sur une brèche où l’art se mettait en face et tendait un miroir au monde des affaires. Cette brèche n’a pas cessé de s’élargir depuis.
Réinventer l’entreprise et s’inventer comme entreprise font partie de la « posture globale » prônée par &MAN tout au long de sa vie, qu’il envisage comme une recherche permanente de nouveaux moyens pour naviguer dans son environnement et pour construire des solutions adaptées pour habiter le monde. Et c’est justement là qu’il situe son terrain d’action, dans le paysage au sens le plus large : celui du monde réel et celui échafaudé par l’information, comprise comme le média-message formulé par Marshall McLuhan, dont la pensée se confond avec la vision de l’artiste.
Notice de présentation de « Iain Baxter& » parue dans Yann Toma (dir.), Les Entreprises critiques, Paris,
Cité du Design Éditions, Collection Chaire de Recherche en Création et Créativité, 2008, pp. 239-250.

Portrait of Iain Baxter&, 2000, Artist's pool, Windsor, Ontario, Canada